29 octobre 2009

Joies du jeudi #17

* Rencontrer mon futur chef ; j'aime quand les choses deviennent concrètes. Vider mon bureau, passer mes dossiers, faire place nette.

* Un pot improvisé au Turgot avec G.V. et son meilleur ami, occasion d'une discussion riche et d'une plaisante nouvelle connaissance.

* Fredonner une belle chanson des Fleet Foxes. Aller à un concert de musique d'Inde du Nord. Écouter Supertramp, Moriarty, et un mystérieux CD transmis par le Ludomancien.

* Donner rendez-vous à quelques amis au 5e Cru, pour partager quelques bouteilles de Côtes de Beaune avec mes Québécois favoris. Ce fut l'occasion de débattre du charme des jurons les plus usités chez nos cousins d'outre-Atlantique, de l'histoire de Cap-Chat, du mouvement Chauve, de la définition exacte de l'adjectif "roboratif" et de la supériorité des Stooges sur la carrière solo d'Iggy Pop.

* Passer un weekend d'une délicieuse tranquillité, en ne sortant que fort peu de mon douillet chez-moi. Manger un glorieux poulet rôti assorti de girolles américaines. Savourer un chèvre frais modelé en navette. Partager les douceurs de l'habile Delmontel. Infuser du thé à la rose. Prendre le temps du temps, de la douceur, du calme, de la bonne conversation.

* Pouvoir porter à l'occasion d'une soirée costumée une jupe de pom-pom girl jaune canari dénichée il y a quelques années dans une friperie italienne. Je ne sais plus quel mot était défini dans le Baleinier par "beau vêtement qui ne va avec rien"… mais j'en ai une petite collection et suis toujours enchantée de pouvoir les extraire de leur destin d'inutilité.En cadeau pour célébrer ce 17ème joyeux jeudi, une fantaisie foutraque et multicolore du fantomatique poète chauve Ostide Calisse, qui a brutalement disparu du web en 2006 ; on raconte qu'il aurait été dévoré par un chien à neuf pattes.

Au fait du comble de l’extrême exagération empirique
Tiré de l'Araignée Octoplégique, en voie de publication
(C) 2004 Ostide Calisse

Tu dis que mon crâne est chauve.
Chauve comme un œuf imberbe et impubère se relevant d’une chimiothérapie, ayant auparavant été fraîchement rasé et macéré une nuit durant dans du dépilant.

Par gêne, mon visage devient rouge.

Rouge comme un homard bouilli saignant dans un coulis de tomates servi à un père Noël brûlé assis dans un camion de pompier arrêté à un feu rouge au Kremlin durant un coucher de soleil.

Tu te mets à rire jaune.

Jaune comme un chinois coiffé d’une perruque de pissenlits, buvant de la bière et mangeant un épi de maïs beurré sur la blonde plage d’un océan de pisse.

Alors, mon regard se plonge dans tes yeux bleus.

Bleus comme un ciel ecchymosé sans nuages, reflété sur la mer des Caraïbes, vu sur l’acide à travers les lunettes de John Lennon.

J'y vois le reflet de mes yeux verts.

Verts comme un cadavre morveux recouvert de mousse, étendu au milieu d'un champ de pot dans un bac de recyclage rempli de luzerne.

Mais depuis, tu m'as glissé d'entre les mains.

Glissé comme un poisson huilé descendant une pente de glace dans un bobsleigh en téflon ciré et oint de térébenthine.

Tu es partie et tu demeures introuvable.

Aussi introuvable que le quark d'un proton d'un atome de fer d'une aiguille désaimantée égarée dans une meule de foin de dimension hypersidérale qui se meut en mouvement perpétuel aux confins de I'Univers à une vitesse supérieure à celle de la lumière.

C'est pourquoi maintenant je me fais minuscule.

Minuscule comme une chiure d'A.D.N. constipé.

Et c'est la raison pour laquelle je suis triste.

Triste comme une Madeleine dépressive en deuil sous la pluie nocturne d'un cimetière et qui écoute une toune de Jacques Brel sur une station AM.
Je voudrais être mort.

Mort comme un mort.

28 octobre 2009

Che vuoi ?

Après beaucoup de temps, de passages à autre chose, d'oubli, me prend à nouveau l'envie de me plonger dans la lecture de Lacan. Les Écrits sont là, ils me regardent de leur étagère, rangés au côté de Démasquer le réel de Serge Leclaire, dont je ne me souviens même plus si je l'ai lu ou pas, du moins en partie... (quand je vous parle d'oubli...).
Ce n'est qu'une envie qui passe, un petit goût de revenez-y que je ne ne suivrai pas dans l'immédiat (je passe ma vie à être talonnée par ce genre d'envies) ; mais j'ai l'impression que je pourrais y trouver des mots qui collent aux questions qui me fouaillent aujourd'hui.
Notamment, la question de la demande. Quel est ce monde trop vaste, ce tout-et-rien, "objet a", que, semble-t-il, je ne puis me défendre de demander à autrui ? "L'absolu," "l'essentiel," ces mots reviennent mécaniquement sous ma plume, masques de carton d'un insaisissable que mon désir crie et tait.
Je n'ai pas envie de voir cela comme une sentence, cette idée qu'à l'Autre (avec toutes les majuscules nécessaires) j'en demande fatalement trop. Que je demande au-delà. M. m'avait dit il y a six ans que je pourrais manger le monde entier. Et pourtant, tout en attendant tout je n'appelle rien. Je serais une Gertrud résignée...

Je suis, sur ce sujet, d'une extrême confusion.
" Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l'étrave, ou si l'on veut, dans l'écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.

Dans l'attelage d'un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l'haleine de quelques chiens réunis.
Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.

Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent,
Sur les tapis des paumes et leur sourire,
Dans les corridors des os longs et des articulations.

Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi."

- Henri Michaux, L'espace du dedans (1929)

27 octobre 2009

Combat pour soi

"To be nobody but yourself in a world which is doing its best - night and day - to make you like everybody else - means to fight the hardest battle any humain being can fight - and never stop fighting."
- e.e.Cummings
"Il y a deux sortes de gens.
Il y a ceux qui vivent jouent et meurent.
Et il y a ceux qui ne font jamais rien d’autre que se tenir en équilibre sur l’arête de la vie.
Il y a les acteurs.
Et il y a les funambules."

- Maxence Fermine, Neige

Va petit mousse, le vent te pousse

"Be content with what you have; rejoice in the way things are. When you realize there is nothing lacking, the whole world belongs to you."

- Lao Tzu
" In this book, his father had written as an inscription & directive, write what you want. every day, or as often as you can, write what you want. that way, whenever you’re confused or rudderless, you can look to this book, & be reminded where you want to go & what you’re looking for…this journal was for positive wants, not negative wants. when you wanted something negative, it didn’t count, he said. a want should be positive, his father had said. a want should improve your life while improving the world, even if just a little bit."

- Dave Eggers, The wild things

24 octobre 2009

Tyler says evolve

Je n'aime pas évoquer le passé, quand celui-ci me tire vers le bas, vers des lourdeurs que j'ai dépassées. J'ai encore l'habitude de dire de moi-même des choses que ces derniers mois ont rendues fausses, ou que mon élan contredit.
De plus en plus, j'ai l'impression qu'en les énonçant, de manière mécanique et irréfléchie, parce qu'avec le temps ces choses se sont collées à mon identité, je ne fais que prolonger artificiellement mon propre malheur.
Je ne suis pas mes mauvaises habitudes. Je ne suis pas mes ancêtres, ni mon enfance, ni mon éducation, ni ma ville natale. Je ne suis pas ce que je porte avec moi. Ni ce que le jugement hâtif d'autrui aimerait me faire porter.

You are not your job. You are not how much money you have in the bank. You are not the car you drive. You are not the contents of your wallet. You are not your fucking khakis. You are the all-singing all-dancing crap of the world.
Je ne veux plus lancer des malédictions contre moi-même.
Je choisis. Je veux être une force qui va.


22 octobre 2009

Joies du jeudi #16

* Achever de faire le tri dans mes affaires au bureau pour préparer mon départ ; je n'ai plus qu'à remporter toutes mes affaires personnelles.
Voir dans le changement imminent auquel je me prépare l'occasion de travailler à des évolutions personnelles plus amples. Notamment, revenir à mes résolutions aoûtiennes de recherche de mon propre centre et d'une vie plus épurée.
J'ai aussi pris acte du changement de saison, ai rangé les étoffes légères, les sandales et les pantalons clairs, pour sortir manteaux, laines, écharpes. J'aime bien la nouvelle tête toute colorée de mon dressing, avec ces piles de pulls encore bien rangés, qui sentent déjà la saison des fêtes. Haut les cœurs, dans deux mois c'est Noël.

* Être surexcitée, ravie puis bouleversée par trois courts ballets de Trisha Brown au Théâtre National de Chaillot.

* Goûter du miel, du tajine aux olives, du bortsch pimenté, du riz léger, des crevettes au curry, et le jus de carotte au gingembre de la Rose Bakery.

* Écouter les Flobots, Jack the ripper et Jeanne Cherhal. Sentir l'ampleur de ma voix quand elle se donne dans les graves. Redécouvrir les paroles d'une des chansons les plus importantes de ma vie. Parler comme on danse, en pleine attention aux mots. Avec l'un, niveau soutenu. Avec l'autre, grasse gouaille. Avec un autre encore, dépassement des faibles mots de la tribu. Mes paroles font leur gymnastique.
* Revoir des amis québécois qui n'étaient pas venus à Paris depuis plusieurs années, et retrouver pour eux la même tendresse évidente. Vivre un weekend de rencontres joyeuses et de discussions à bâtons rompus. Rire avec des inconnus. Me sentir parmi mes semblables comme un poisson dans l'eau … voire comme le gamin dissipé au fond du bus.

* Dans les sous-bois où la vue se brouille, chercher, au pied des grands arbres, le trésor d'ambre des châtaignes. Serrer les grosses bogues entre les pointes de mes bottes et hop, ramasser le fruit offert. Se brûler un peu les doigts, garder une petite écharde qui sent la forêt à la pointe de mon doigt. Aimer la pluie.

Faire

“If you observe a really happy man you will find him building a boat, writing a symphony, educating his son, or looking for dinosaur eggs in the Gobi Desert.”
– W. Béran Wolfe

“Find a happy person, and you will find a project.”
– Sonja Lyubomirsky

20 octobre 2009

O.S. de la chance

J'ai lu ce matin un article de Richard Wiseman dans le Telegraph qui m'a confirmée dans l'idée que l'attention aux signes venait directement enrichir la vie. Comme les bonnes pensées bien nourries en viennent à se reproduire, la mémoire et l'inspiration s'entretiennent, la chance peut être le résultat d'un travail.
"(…) unlucky people miss chance opportunities because they are too focused on looking for something else. They go to parties intent on finding their perfect partner and so miss opportunities to make good friends. They look through newspapers determined to find certain types of job advertisements and as a result miss other types of jobs. Lucky people are more relaxed and open, and therefore see what is there rather than just what they are looking for. My research revealed that lucky people generate good fortune via four basic principles. They are skilled at creating and noticing chance opportunities, make lucky decisions by listening to their intuition, create self-fulfilling prophesies via positive expectations, and adopt a resilient attitude that transforms bad luck into good."

Paroles en bout de nuit

“When we speak of humanity, the idea is fundamental that this is something which separates and distinguishes man from nature. In reality, however, there is no such separation: “natural” qualities and those called truly “human” are inseparably grown together. Man, in his highest and noblest capacities, is wholly nature and embodies its uncanny dual character. Those of his abilities which are terrifying and considered inhuman may even be the fertile soil out of which alone all humanity can grow in impulse, deed, and work.”

- 1872 Nietzsche, 1872 -

*

Guess your dreams always end.
They don't rise up, just descend,
But I don't care anymore,
I've lost the will to want more,
I'm not afraid not at all,
I watch them all as they fall,
But I remember when we were young.

- Joy Division, "Insight", Unknown Pleasures -
*

"La nuit venait sur nous. Repoussés, nous gémissions. "Combien, disions-nous, cela va-t-il durer ?" Nous le disions à tout bout de champ, mais sans quitter pour autant ces façons d'agir, faute d'entrevoir, si nous les eussions quittées, aucune lueur de certitude à saisir. "

- Saint-Augustin, Confessions, livre sixième -


18 octobre 2009

Rêve-volition

J'ai eu l'occasion de débattre brièvement samedi de la question de l'égoïsme, et de comment celui-ci peut s'articuler avec une éthique (à défaut de morale) et un humanisme quand même. Y aurait-il quelque chose de vaguement répugnant dans l'idée que l'on puisse faire le choix d'une certaine "bonté", non par principe ou par respect pour un idéal, mais parce que ce choix permet une vie meilleure, pour soi, aujourd'hui et maintenant ?
Une nuit de sommeil plus tard, je me fis la réflexion suivante : je me sens appartenir au camp des gentils et il peut m'arriver d'être une prosélyte de la gentillesse (au point d'imaginer avec certains amis de faire un défilé de la "Nice Pride", en réponse aux reproches souvent entendus d'être "trop gentil/le"). Mais ai-je réellement choisi cette gentillesse ? ou ne construis-je des principes qu'a posteriori, autour de mon petit coeur tout mou, pour en justifier les faiblesses? Je n'ai plus un souvenir très précis de la Généalogie de la morale de Nietzsche, mais il me semble que le propos tenait un peu à cela. J'avais lu ce livre deux fois, à un an d'écart ; la première lecture fut très violente, je pris le livre pour une attaque personnelle et luttai pied à pied contre chaque paragraphe comme un corps qui réagit à un poison ; la seconde fut de pure jouissance et complicité, j'étais cette fois avec Nietzsche, je ne comprenais même plus comment j'avais pu vivre cette lecture dans une telle tempête.

Toujours sur la question de l'égoïsme : je me plais à croire que la recherche d'un certain avènement à soi est une étape nécessaire pour avancer vers une sagesse, voire vers l'effacement de l'ego, et assurément pour offrir aux autres une pleine conscience, attention et bienveillance. C'est par là que passerait aussi un authentique progressisme politique (de même, que serait une société où l'on ne confondrait plus les faits et leur représentation?).
Je n'ai pas lu son Red Book, mais j'avoue avoir été assez séduite par ce que j'ai pu lire sur le web de la "spiritual cowgirl" Sera J.Beak, et notamment sa définition de la "Redvolutionary":

" A Redvolutionary is someone who does not play by the social, religious, cultural, sexual, or political rules. She affects change by daring to be herself, forging a unique path, and serving her planet authentically through “ecstatic actvism”. She’s a kind of “spiritual superheroine,” rebelling against dogma and ideology in order to experience a direct and intimate relationship with the divine. She has a fearless commitment to truth and freedom, healing and empowerment, sex toys, red wine, and gold body glitter…for all. (...) A redvolutionary is not here to save the world, she’s here to serve the world. Or, another somewhat paradoxical way to look at it is a redvolutionary helps save the world by saving her self. (…) And the cool thing is, we’re more effective with our acts of service because they stem from this deep inner well of wisdom, love, and fiery freedom. We don’t burn out so easily because we’re not relying on our personal power alone, but also the power of everything and everyone we are connected to and the slap-happy holy moly Universe itself. We are a non-stop love conduit of blaring bliss. A spirited energizer bunny on 34 cups of cosmic caffeine. A secret agent of radical red change. When we become redvolutionary, we are tagged and We are It. So here’s a little Redvolution ditty for ya:
When you breathe Red, you dare to be yourself
When you are yourself, you are of service

When you are of service, you help heal this planet

And you can do it all while wearing seriously cute shoes "

So, would you join the Redvolution?

16 octobre 2009

Joies du jeudi #15

* Les apéricubes, les dattes de Bahreïn, le kir-châtaigne, le génépi, le cake à l'angélique confite de Nicolas P., la terrine de joue de bœuf et le raisin frais.

* Passer une soirée furieusement queer, avec tout plein de jolis gens déguisés en Romains.

* Chanter, fort, ensemble, à pleines turbines. * Me faire de nouveaux amis, en revoir d'anciens, passer du temps de qualité avec mon père.

* Redécouvrir le bonheur d'écouter un de mes albums préférés, que je n'avais pas écouté depuis longtemps.

Any major dude with half a heart surely will tell you my friend
Any minor world that breaks apart falls together again
When the demon is at your door
In the morning it won't be there no more

* La certitude que, quelque frêle que soit mon esquif, quelque violente que soit la tempête, je peux prendre l'eau mais je ne coulerai pas.

Huh, please don’t you rock my boat
’cause I don’t want my boat to be rockin’ anyhow
Please don’t you rock my boat, no
’cause I don’t want my boat to be rockin’

13 octobre 2009

Le rosaire des joies

J'ai beau avoir dérivé très loin de la foi qui présidait à ma première communion, et de toute croyance religieuse proprement dite, mais je peux néanmoins être émue, et faire mon miel des paroles de certains qui croient en un dieu.

Les lignes qui suivent sont une réécriture libre d'un extrait de “When God Whispers Your Name” de Max Lucado, croisé quelque part sur le web. Réécritur
e de mon point de vue, sans dieu et sans morale, centré sur la recherche d'un bonheur égoïste, mais qui peut me conduire à des conclusions voisines de celles des croyants.
Le jour nous fait sa demande, chaque heure pose ses exigences, auxquelles il nous appartient de répondre en tentant comme dirait Montaigne, de "mener une vie excusable".

Rien ne justifie de haïr, ni de se laisser ronger par l'amertume. Je choisis d'aimer, car poser sur les autres un regard bienveillant m'apaise, et met dans ma bouche le goût du miel.

Je choisis la joie. Je refuse la tentation du cynisme, qui est l'apanage des esprits faibles. Je m'accorde le plaisir de voir les autres comme des êtres humains, créatures étonnantes pouvant m'apprendre beaucoup. Portée par le goût du jeu, je vois chaque problème comme une occasion d'avancer vers le meilleur de moi-même.

Je choisis la paix, la légèreté, les épaules libres du poids de la culpabilité et de l'accusation.

Je choisis la patience. Je mérite mieux que de perdre mon temps et mon énergie à déplorer les obstacles du chemin. Je prends avidement le temps d'attente comme un temps de méditation et de recueillement. Il n'y a pas de corvées, il n'y a que des tâches qui nous permettent de mieux sentir nos pieds sur le sol, et de rayonner de la puissance du faiseur.

Je choisis la gentillesse et le respect de la parole donnée, simplement parce que je le veux, parce je refuse de céder aux sirènes de l'inauthenticité.

Je choisis la douceur, parce que le monde rend ce qu'on lui donne, et que je n'aime pas recevoir du monde la violence que je lui ai donnée.

Je choisis d'avancer sur un chemin dont je regarde le paysage, avec chaque jour davantage d'attention. Je voue ma journée à ce parcours, qui est un parcours de joie, de jeu, de force et de richesse, parce que rien ne justifie que l'on fasse de sa vie autre chose que joie, jeu, richesse et force.

Scriptorium

Le glissement
du stylo sur le papier blanc
Plaisir
d'ouvrir un nouveau cahier
Magie
de la pensée qui s'inscrit
Douceur
du crayon dans la main
Joie
de la lettre sur le chemin
d'une attention amie
du vélin cacheté
Paradoxe
de l'écriture dématérialisée et de ses images sans support
sans odeur mais existant
sur notre blog-note évanescent.

12 octobre 2009

Notes du carnet blanc

Il vient toujours ce moment où j'ai le sentiment que toute l'activité des hommes ne tient pas devant la complexité des bouleaux.

*

Carrousel des petits fantasmes quotidiens, que je fais tourner aux heures d'attente ou de flottement : ce grenier où mon enfance se rejouera, la terre grasse d'un potager...

*

Vivaldi : ouverture en majeur, puis s'évanouit - et d'un soupir mineur laisse passer le doute.

*

Mon monde marche comme à côté de moi, peut-être loin de moi, sans adhérence directe sinon par des jeux de symboles et d'appels. Me voilà mi-dite mi-épelée, à moitié sur le seuil de mon fantôme.

*

Écriture : place de la rencontre du soi, du toucher de l'autre. Le langage est notre peau.

Dans mon autrefois, l'espace transitionnel de l'art prenait toute la place de ce qu'il y avait à vivre. Aussi, peut-être, était-ce un moyen de rencontrer l'Autre, derrière mon tain et la peau douce des carnets, des opuscules adorables...

*

Dessiner : tracer les bords de ce que l'on peut être, colorer son impossible, teinter son désir.

*

... et si j'étais désagréable, irascible, critique, pour ne pas avoir à dire merci ?

10 octobre 2009

Notes du carnet rouge

Mon esthétique du disparate (qui explique mon goût immodéré pour internet et des espaces comme Tumblr) est une façon de rendre au monde son éclatement, de lui renvoyer, dans le bris, ce qu'il tente de faire croire unifié.

J'ai réellement aimé S.Kierkegaard, ce théologien sensuel, théoricien et poète du bien perdu (l'objet a?).
J'irai tout de même seule dans la lande du Jutland, me confronter à la disparition des mythes, parmi les éoliennes et les entrepôts de biens de consommation.

9 octobre 2009

La mutation

Apprivoiser le changement : voilà qui sonne terriblement comme l'intitulé d'un séminaire de management.
Je découvre en grande naïve ce dont j'aurais pu avoir l'intuition : une mutation, même prévue, même acceptée, est un événement violent.

Dans trois semaines se déploiera une ribambelle de jamais plus. Jamais plus de début de matinée à prendre mon temps, écouter les matins de France Culture avant d'aller travailler, me réveiller au dernier moment. Jamais plus de petit déjeuner au Montespan. Jamais plus de déjeuner avec des amis, rue Godot, rue de Provence, chez Higuma.
Je vais entrer d'un coup dans le monde des gens qui prennent les transports en commun tous les jours et à qui leur travail ne laisse pas le temps de souffler et de reprendre place en eux-mêmes.

En face de tous ces jamais plus, il y a la liste des demain. Demain, j'aurai tous les jours le temps de lire, à une heure où la lecture se goûte tout spécialement. Demain, je pourrai me poser vraiment la question de pourquoi je travaille (est-ce uniquement pour subvenir sans inquiétude à mes besoins?). Demain, je rencontrerai de nouvelles personnes qui auront des choses à m'apprendre, chaque jours de nouvelles personnes, et chaque jour de nouveaux apprentissages. Demain je n'aurai plus ce sentiment de passer une partie de mes journées dans une sorte de demi-vie, à moitié dans l'oubli de l'instant et à moitié dans la curiosité d'autre chose. Demain, j'aurai encore des gens pour me soutenir si je tombe : mes parents, des amis proches, quelques personnes même rencontrées dans mon travail actuel. Demain, je serai chaque jour obligée de cheminer vers une version plus forte et plus courageuse de moi-même, je n'aurai plus aussi évidemment le choix de la fuite dans un entre-deux confortable.
C'est pour cela sans doute que je me retrouve aujourd'hui dans cette hébétude qui me rappelle de près le froid de la mort. Demain, hors de mon abri, je donnerai prise au vent.

8 octobre 2009

Joies du jeudi #14

* Découvrir les jardins de Bagatelle - rosiers aux noms de chevaux de courses, plantations odorantes, petits havres, paons en liberté.

* Rire avec mes collègues. Je les quitte bientôt, je sais qu'il y a peu de chances que nous restions étroitement en contact après mon départ du siège le 2 novembre… J'avoue avoir pour l'instant un peu de mal à imaginer ma vie sans eux et la liberté de nos plaisanteries. Je suis une vieille bête sentimentale… mais je sais aussi que je suis curieuse du changement, de la façon dont ma vie va se réorganiser dans quelques semaines.

* Faire de grands pas dans l'avancée de projets personnels. La Compagnie de l'Arme Blanche a élu un nouveau bureau, tout beau tout neuf. J'ai repris de "vrais" cours d'art dramatique, et j'ai commencé à attaquer le travail à la table sur La Nuit et le moment de Crébillon. Etre entourée de personnes fiables et enthousiastes est un bonheur de tous les instants. * Regarder le concert de Pink Floyd à Pompei en 1972 (version "director's cut"). Donnez-moi Richard Wright et David Gilmour !! Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas réécouté Set controls for the heart of the sun...

* Musarder dans tout un tas de jolis Tumblrs. Mettre en albums mes photos de l'année passée. Poursuivre mon travail de vide. Un jour tout sera clair.

Hier

Hier j'ai reçu un coup de fil d'un ancien collègue. Douceur de penser qu'on ne m'a pas oublié, joie de savoir que vais le revoir.
Hier j'ai blessé une amie chère par des mots maladroits, un tempo mal choisi, des exagérations incomprises.
Hier j'ai été secouée entre les sentiments. J'ai mis des bottes pour me donner du courage, me suis demandée ce que je faisais ici, ai été ravie de mes choix, ai remis en question qui j'étais, ai été une mauvaise amie, me suis effondrée dans mon lit.

Aujourd'hui est un autre jour.

Staccato

Qu'est-ce qui donne le sentiment que les jours sont liés entre eux, que le temps va legato ? Qu'est-ce qui manque à mon quotidien, pour que ce sentiment s'y soit curieusement dissout ?

Il y a le temps virtuel, celui que je passe sur cet ordinateur, qui n'est rattaché au reste que par des mots, même si des choses s'y jouent pour de vrai. Du temps pour tel ou tel projet, telle ou telle personne. Le temps familial, dans lequel je change de forme et malgré mes efforts rapetisse, rapetisse. Le temps onirique, des rêves très denses nuit après nuit. Le temps au travail, qui n'a plus qu'une fiction de continuité, parce que très bientôt cette partie-là de ma vie va changer du tout au tout, tirant d'autres changements avec elle.

Le temps partagé entre les livres, de plus en plus de livres entamés, convoités ou promis, et que je suis lente à finir. Un peu de temps pour moi, dans un prolongement de sommeil, ou quand marchant dans la rue je m'accorde le droit de chanter. Le temps d'une quête à la fois cohérente et désordonnée, d'avancées et de régression, temps de croire certains mythes, d'écouter les mauvais conseils, de redevenir idiote, d'espérer mieux.

Je rêve d'une vie cohérente et unique, qui ne soit pas tronçonnée comme une page de programme télévisé. Image : nager dans un grand lac, au milieu du silence et du calme ; d'un coup le temps reprend forme et lien, il n'y a que ce temps pur, suspendu. Ou alors, le rythme doux d'une chanson dont on reprend le refrain. Pour l'instant, je dois encore courir, accepter de vivre en staccato, être un vecteur, et non une sphère qui saurait où est son centre. Pourquoi?

7 octobre 2009

Ce qu'apprend l'acteur






" Tony Robbins writes a lot about our “emotional states” and how we can change them by simply changing our posture and the way we behave. Rather than slouch because we’re tired, we can feel tired because we slouch! We have an enormous capacity to feel great, and huge energy reserves we don’t tap into because we’re too busy playing a part that doesn’t take these resources into consideration. This explains why terminally ill patients can enjoy their last breaths, without feeling bad about their condition. They’re not playing the part of the patient.
We can play the part of the victim, the overworked professional, the patient, the social outcast, the bad parent and any of a long list of possible negative roles. Or we can play a more positive role that helps us enjoy our days and make the most out of the resources we have available to us. What role are you playing in your life, and how can you change that to enjoy what life has to offer you? "

4 octobre 2009

C'est le grand jour qui se fait vieux

L'existence et son poker menteur : quand le moment de jouer vient, j'ai toujours l'envie énergique de miser, plutôt que de prudemment passer mon tour.

Je suis le conseil de Rilke au jeune poète, vivant pour l'instant mes questions, ne doutant pas qu'un jour, j'entrerais insensiblement dans les réponses.

Ce soir, c'est la pleine Lune des moissons. J'y suis d'humeur automnale, le passé danse autour de moi. Les feuilles d'aujourd'hui tomberont, tant pis. Mélancolie, fatalisme, acceptation douce.


" Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon

Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux

Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus

Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps

C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie

C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux

O mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut-il d'années-secondes
A l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées

Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger"

- Louis Aragon

3 octobre 2009

Les portes et le moineau


"... Aladdin and his lamp
Sits with utopian hermit monks

Side saddle on the golden calf

And on their promises of paradise

You will not hear a laugh

All except inside the gates of eden


Relationships of ownership

They whisper in the wings

To those condemned to act accordingly

And wait for succeeding kings

And I try to harmonize with songs

The lonesome sparrow sings

There are no kings inside the gates of eden
..."

- Bob Dylan

1 octobre 2009

Joies du jeudi #13

* Faire un grand nettoyage de mes archives de courriels. Quelle drôle d'expérience, de parcourir en quelques heures des années de vie. J'ai toujours cette peur au corps, d'oublier les dates essentielles (telle rencontre, telle crise, tel dénouement), de perdre les mots qui ont compté. Et pourtant on ne peut pas trimballer toujours la grande encyclopédie de sa propre vie, être l'éternel conservateur de son musée personnel. Ce n'est pas parce que j'efface les mots qu'ils n'ont pas été prononcés, parce que je dissous la trace physique que je noie le souvenir.
J'ai un ami qui ne note jamais ses idées : il part du principe que si elles persistent, c'est qu'elles méritent qu'il leur consacre son énergie ; et sinon, qu'elles méritent leur oubli. Pour ma part j'ai toujours tout noté, je me suis toujours bardée de carnets, d'appareils d'enregistrement du temps passant (photo, caméra). Cela n'a jamais empêché le temps de passer, et souvent pour le meilleur.
J'ai trop pris l'habitude de la conservation pour ne pas sauver quelques bribes ; je suis retombée sur de très belles choses, des fragments précieux, bouts d'amitié mis en mots, retrouvailles au plus près, percussions de sens. Et mes rêves de m'envoyer des messages encore sur la valeur du souvenir, combien les silhouettes se répondent, combien nos attachements savent être contradictoires.

* Me laisser aller, par moments, à quelque chose comme de l'évidence. Dans la douceur, dans la bienveillance, dans la présence qui nourrit.

* Assister à une conférence de vulgarisation de l'A.R.C.H.E., donnée par le très magnétique Kevin Finel. Parfois la simple existence de certaines personnes est une réjouissance en soi. Partager ce moment avec des amis d'horizons divers fut un indéniable surcroît de joie.

* Passer mon samedi au Festiblog, avec la bande de Nekomix (Drac, Amandine, SAM, Tomatias) et aussi quelques nouvelles connaissances de La Nuagerie : Madd, Aïssatou, Elsa… qui exposent en ce moment au Café Dune des planches de leur nouveau fanzine. Grosse soirée prévue samedi dans ce chouette lieu. J'ai eu quelques petits dessins, dont un de Wandrille, alias l'immonde cochon. Et toujours sur le même thème : j'ai récupéré hier un beau fond d'écran de Tomatias, disponible sur sa galerie virtuelle !

* Passer quelques heures enthousiasmantes à réfléchir avec des gens de Mémoire Vivante (mon éditeur), de l'A.L.E.P.

D'équilibre

Il y a des semaines qui valent pour les joies qu'elles apportent, la sérénité avec laquelle elle se vivent, la légèreté de leurs enchaînements. Et il y en a d'autres qui trouveront leur valeur plus tard, quand auront germé les lectures qu'on y a faites, les petits gestes que l'on y a accomplis (envoyer enfin tel courrier, faire du rangement, prêter attention à ses rêves ou aux paroles d'amis retrouvés).
Je vis dans la foi que rien ne se perd, et qu'en dépit des régressions du quotidien, le changement est possible.