12 novembre 2020

S'alléger

Je pense souvent à cette histoire que m'avait racontée ma co-blogueuse, et qu'elle tirait d'un livre pour enfant : une vieille dame était attachée à chaque objet, chaque souvenir de sa longue vie, jusqu'à ce qu'une tempête emporte toute sa maison. Il ne lui restait qu'une petite cuillière, qu'elle abandonnait finalement, se rendant compte que les objets lui importaient peu.

J'y pense souvent, et je crois que, comme toutes les histoires, elle est vraie et fausse.

Une amie à moi avait fait une exposition, photographiant les rares objets qui avaient survécu au terrible exode subi par sa famille, en janvier 45, en quittant la Silésie. Elle avait encadré ces quatre photos en grand format : une tasse ébréchée, une fourchette, un manteau de fourrure (et j'ai oublié le 4e). C'était tout ce qui restait de leur vie d'avant. Tout ce qui prouvait que cette vie avait bien existé.

La semaine dernière, j'ai vidé mon appartement - ou plutôt, le premier, et le seul jusqu'ici, que j'ai considéré comme chez moi. A un moment, presque toute ma vie s'est retrouvée sur le trottoir. A ma grande surprise, j'ai éprouvé une vraie joie à voir les passants venir se servir, à voir mes pots ou mes casseroles connaître une seconde vie. Mon fauteuil de bureau chéri, des draps, de l'électroménager acheté avec difficulté ont été donnés de bon coeur.

Mais j'ai quand même gardé des choses qui peuvent sembler insignifiantes - une petite lampe de bureau ; un fauteuil en osier, ramené au terme d'une expédition épique en bus à travers Paris ; une sorte de soucoupe pour la cuisine qui a déjà traversé deux fois les frontières européennes ; un lampadaire récupéré, un peu troué, rafistolé, mais qui me rappelle ma vie passée rien qu'à le regarder ; et une paire de chaussures, les premières à talon, toujours impeccables, jamais à la mode, et que je ne veux pas jeter.

Pourquoi eux et pas d'autres ? Pourquoi certains ont fait un aller-retour à la poubelle, avant de s'abriter dans mon sac à dos ? Je ne sais pas. Je ne le saurai jamais. S'alléger fait du bien... mais il faut être un peu lestée pour garder les pieds sur terre. 




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