3 août 2011

Minimal compact

On dit des déménagements qu'ils sont souvent vécus comme des sources de stress violent, si ce n'est des événements traumatiques, dans la même catégorie qu'un licenciement, un divorce ou même un deuil. Et pourtant, contrairement à ces derniers aléas, un déménagement est généralement choisi, et il accompagne souvent une progression. J'en ai peu vécu pour ma part, surtout si je compare mon existence très sédentaire de ces dernières années à celle d'amis beaucoup plus nomades, à commencer par ma co-bloggeuse préférée.

Mon "vrai" premier déménagement, c'est celui que je suis en train de préparer à présent, puisqu'il s'agit de quitter mon premier "vrai" appartement - le premier dans lequel j'aie mis des meubles auxquels je tenais, et auquel je me sois réellement identifiée. Car oui, on peut s'identifier aux objets et aux lieux, et avoir l'impression de livrer une vérité sur soi-même quand on dit "j'habite dans le 9ème" ou qu'on accroche un ikat sur son mur.

C'est peut-être pour cela que le fait de mettre toutes ses petites affaires dans des cartons est une opération aussi troublante. On fait l'inventaire. Je n'ai pas attendu cette occasion pour découvrir que l'encombrement matériel était un de mes problèmes de fond (et de forme), mais la tentation est très vive de m'installer dans quelques mois dans un appartement refait à neuf avec un bagage très réduit par rapport au volume d'objets qui occupe mon nid actuel. A chaque objet que je mets en boite, se pose la question de ce qui l'a amené dans ma vie, de la place qu'il y occupe et du sort que je peux vouloir lui réserver.

La relation que j'entretiens avec eux est paradoxale. D'un côté, je me suis toujours trouvée à peu près incapable de créer une décoration minimaliste ; pour me sentir chez moi, j'ai tendance à marquer, accumuler, exposer, surdécorer. Et à l'inverse, je ne me sens jamais aussi bien que quand mes possessions se trouvent résumées à une valise et son contenu. Il m'est apparu ce matin que le besoin d'accumuler, qui fut très fort dans les premières années de ma vie d'adulte, ressortait du besoin de signaler matériellement mon existence. Chez mes parents, dont la maison déborde d'objets de famille et de souvenirs de voyage, je me suis bâti des murailles de livres. Ce sont leurs tranches familières qui me disent que je suis chez moi, et que je mène une existence distincte, bien réelle. A côté de la platine de mon enfance, j'ai amassé des disques qui, dans cet univers qui est celui des miens sans être le mien, viennent matérialiser mon monde personnel.

Il me semble aujourd'hui que je n'ai plus besoin d'en passer par là pour me prouver à moi-même que j'existe bien. Au contraire, mon essence la plus réelle, ce qui existe le mieux, c'est ce que je peux emporter partout avec moi sans avoir à l'envelopper dans du papier-bulle et du carton. Ma conscience du monde suffit à me faire être sans que j'aie à m'épaissir d'objets.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

pas