15 mai 2010

La prière et l'écriture

" [la prière] relève de la merveilleuse liberté de la créature qui remonte à son origine et l'interroge, l'appelle, la secoue de sa distance. Celui qui, pour la première fois, a récité la première prière, ne peut l'avoir inventée. Il peut seulement avoir réagi à un appel par une réponse, comme Abraham avec son hinneni, me voici. Me voici est le premier mot, le préambule de toute prière. La créature se sépare du reste de l'espèce et de la création, elle s'exclut pour établir la relation. (...)
Peut-être qu'un homme comme moi s'acharne à écrire justement par ce qu'il ne sait même pas s'adresser aux autres et qu'il réduit l'échange à cette crampe de la main, au monte et baisse d'une plume qui trace des lettres sur une feuille. Je m'imagine que c'est ma voix, l'impulsion qui suscite un sourire, une entente, un attachement. Je ne sais pas m'adresser, je ne connais pas le prénom de la prière. Je pratique le succédané tu de l'Écriture. "

"Rabbi Nachman de Brestlau déclarait que le repentir n'était pas une impulsion de détachement, l'élan par lequel le plongeur se détache du promontoire, mais le sentiment qui pousse un homme placé devant l'erreur, le tort, à ne pas y retomber, à ne pas en commettre d'autre, pour la première fois. Nachman dit que le repentir est un projet qui concerne le futur, plus que le regret tourné vers le passé."

Now I've heard there was a secret chord. That David played, and it pleased the Lord But you don't really care for music, do you?

"Quel privilège absolu dans la voix de David qui déclare s'être mis à l'abri de Dieu. Comment peut-il le savoir? Comment peut-il croire que son intention de se réfugier a été exaucée? Et pourtant c'est ainsi, sa volonté s'accomplit du seul fait de sa foi. Il peut dire sans présomption : je me suis réfugié en toi."

" Aujourd'hui, nous sommes habitués à être comptés, inscrits et incorporés dans des listes, à disposer de nombreuses marques numériques. Certains estiment normal, par simple scrupule, de relever aussi les empreintes digitales de femmes et d'hommes arrivés jusqu'à nous dans leurs fuites sans fin. C'est pourquoi nous, hommes modernes, ne pouvons pas comprendre la peur des Hébreux d'alors, la ruine dont ils avaient déjà fait l'expérience quand un de leurs rois avait osé compter le peuple auprès duquel Dieu avait planté d'abord une tente, puis un temple. Ce roi obtint des chiffres erronés et subit le châtiment d'une épidémie. Les Hébreux avaient donc déjà été mis en garde contre l'arrogance de donner un nombre aux êtres humains."

Erri de Luca, Noyau d'olive

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