9 juillet 2009

La terre qui tremble

" Quand j'étais jeune, j'avais hâte de me dire, je craignais toujours de laisser passer la vague partant de moi et me portant vers l'autre, je craignais toujours de n'aimer plus, de ne plus rien savoir. Mais je ne suis plus jeune et j'ai appris à laisser passer presque tout - irréparablement.

Avoir tout à dire - et ne pas desserrer les lèvres. Tout à donner - et ne pas desserrer la main. Ceci est du renoncement que Vous appelez vertu bourgeoise et qui, bourgeoise ou non, vertu ou non, est le principal ressort de mes actes. Ressort ? - le renoncement ? Oui, car le refoulement d'une force exige un effort infiniment plus âpre que son libre déploiement - qui n'en exige aucun. En ce sens toute activité naturelle est chose passive, comme toute passivité obtenue - de l'activité (épanchement - subissement, refoulement - agissement). Qu'est-ce qui est le plus difficile : retenir un cheval ou le laisser courir, et, puisque c'est nous, le cheval que nous retenons, - des deux le plus pénible : être retenu ou laisser jouer notre force ? Respirer ou ne respirer pas ? Vous souvenez-vous de ce jeu d'enfant, où tout l'honneur allait à celui qui restait le plus longtemps dans un bahut à étouffer? Jeu cruel et très peu bourgeois.

Agir ? Se laisser aller. Chaque fois que je renonce j'ai la sensation d'un tremblement de terre au-dedans de moi. C'est moi - la terre qui tremble. Renoncement ? Lutte pétrifiée. "

Marina Tsvétaïéva, Mon frère féminin

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