" Sortir de son monde, ou de son
Moi habituel, est une expérience transcendentale. Cela arrive à la
plupart des gens et dure plus ou moins longtemps. Ces expériences
ont en commun une impression de détente, une sensation de libération
et la découverte d'un Soi pleinement vivant, qui réagit de façon
spontanée. Mais de telles transformations sont le fait du hasard et
on ne peut ni les prévoir ni les programmer. Malheureusement, elles
cessent souvent aussi soudainement qu'elles avaient commencé ; le
carrosse étincelant redevient citrouille en une nuit. On reste
abasourdi : quelle est la vraie réalité de l'être ? Pourquoi ne
peut-on pas rester dans cet état de liberté ?
(...) Si l'on recherche la
transcendance, on peut avoir de nombreuses visions, mais on
s'arrêtera certainement là où l'on a commencé. Si l'on opte pour
la croissance, on peut avoir quelques instants de transcendance, mais
ce seront des sommets sur la route régulière menant à un Moi plus
riche et plus solide.
La vie elle-même est un processus de
croissance, qui commence par la croissance du corps et des organes,
passe par l'établissement de la dextérité motrice, l'acquisition
du savoir, l'augmentation des connexions, et finit par une sommation
de l'expérience qu'on appelle sagesse. Ces divers aspects de la
croissance se recouvrent, puisque la vie et la croissance s'insèrent
dans un environnement naturel, culturel et social. Bien que la
croissance soit un processus continu, celui-ci n'est jamais uniforme.
Il y a des périodes de ralentissement, pendant l'assimilation de
l'expérience, qui préparent l'organisme à une nouvelle ascension.
Chaque ascension conduit à un nouveau sommet et crée ce que nous
appellerons une expérience culminante. Chaque expérience culminante
doit à son tour s'intégrer à la personnalité pour qu'une nouvelle
croissance puisse avoir lieu et que l'on finisse par atteindre la
sagesse. J'ai signalé un jour à Reich que je connaissais la
définition du bonheur. Il haussa les sourcils, me regarda d'un air
railleur et me demanda ce que c'était. Je répondis : Le bonheur
c'est la conscience de croître. Ses sourcils retombèrent,
tandis qu'il commentait : Pas mauvais.
Si ma définition a quelque validité,
cela suggère que la plupart des gens entreprennent une thérapie
parce qu'ils sentent que leur croissance s'est arrêtée. Assurément
de nombreux patients comptent sur la thérapie pour faire redémarrer
le processus de croissance. La thérapie en est capable si elle
procure de nouvelles expériences et aide à écarter ou à amoindrir
les blocages ou les obstacles qui empêchent d'assimiler
l'expérience. Ces blocages sont des schémas de comportement
structurés qui témoignent d'une résolution peu satisfaisante,
compromis avec les conflits infantiles. "
Dr Alexander LOWEN
La Bio-Energie